
Bon allez, je crache le morceau. J’en ai ras la casquette de Yanesen (Yanaka-Nezu-Sendagi) – pour y avoir longtemps habité, j’ai vu ce quartier se caricaturer, être envahi les week-ends par des hordes de gros touristes, les commerces branchouillo-twee pousser comme des champignons vénéneux type amanites ovoïdes. Dommage parce que quand même, tout cela avait un charme certain, les rues sinueuses (la formidable hebimichi), les venelles, l’izakaya de cuisine d’Okinawa Misaki, l’atmosphère fantomatique la nuit, le café Ranpo (tiens, je me demande s’il existe encore), les chats en surpoids, la boulangerie Yanak!, le cimetière et ses chameaux multicolores, l’écriteau qui mentionne l’existence d’un jeu farfelu : le lancer d’assiettes et… les parcs. Il y en a à peu près partout.

La sélection a été dure, mais sincèrement, le parc Sudo est une telle merveille… il a tout pour plaire : une cascade, un étang, une cabane en surplomb parfaite pour y improviser un Speaker’s Corner, des tortues, des canards, de l’ombre, un pont rouge, une légende urbaine à base de kappa, des bancs, tout ce qu’il faut pour y lire, y écrire, y succuler le passage du temps. C’est Giverny en mieux (je ne suis jamais allé à Giverny). Le repos, la paix de l’âme, le contentement en haut débit. J’exagère ? Même pas ! Allez-y, c’est un petit bijou. De là, possibilité de marcher jusqu’à Ueno, à Hongo, voire à Ikebukuro. Ah et oh, pas loin, il y a Nezu Jinja. Dirigez-vous vers le mémorial Mori Ôgai et prenez cette agréable rue en suspension. Vous y êtes : du banc, de la tortue, de l’azalée, de la carpe, de la couleur, du gongenzukuri, du torii en enfilade. Que demande le peuple ? Ah oui, la commune, la démocratie directe, la révolution prolé-poétarienne. Ça va venir, je suis optimiste.
