
On schématise :
– Prenez une artère commerciale essentiellement piétonne qui part à proximité d’une station pour s’en éloigner.
– Elle a tout juste la largeur pour faire passer une camionnette et le bâti est encore essentiellement composé de maisons à un étage.
– Les chaînes et autres mochetés globalisées se concentrant aux abords de la gare, la mixité des commerces que l’on trouve sur l’artère au fur et à mesure que l’on s’éloigne est encore en phase avec la définition de ce qu’est un chouette de quartier tel qu’analysé par Jane Jacobs.
– Une bonne mixité, c’est un maximum de commerces indépendants variés et un minimum de franchises de chaînes. C’est aussi un ensemble de commerces populaires dénué ou encore peu touché par les métastases de la boboïfication, aka la gentrification, encore que dans le cas des villes japonaises, ce terme demande à être approché avec circonspection sans y appliquer en copier-coller le modèle occidental.
Vous flânez donc le long de l’artère et le bigarré du traveling a sur vous un effet émollient. Oui, c’est un chouette de quartier japonais qui fleure bon le communautaire. Invariablement, les artérioles de cette artère qui partent en perpendiculaires vous intriguent et semblent vous faire signe. Certaines figurent au début quelques commerces puis soudain tout se tait pour ne laisser place qu’à une succession d’immeubles d’habitations, de préférence individuels avec petits jardins et foultitude de choses végétales luxuriantes qui débordent en saison des murets. D’autre sont immédiatement en mode résidentiel dès le coin tourné. C’est chouette, c’est beau, c’est émollient, jusqu’au jour où un projet de percement de route, de réaménagement de la station va vous foutre en l’air toute cette harmonie et déboucher sur les mignardises et boutiques hipsters. C’est ce qui s’est passé à Shimokitazawa. C’est ce qui risque de se passer à Koenji, mais d’après les avis, il reste encore au moins une dizaine d’années avant que cette bêtise destructive n’ait lieu.
Et là donc à gauche, vous poursuivez un brin et vous tombez sur le banal et charmant square Koenji-Nord, Koenji-Kita en japonais. Banal parce qu’un square japonais est très gris, mais les enfants s’en fichent. Charmant parce qu’on y trouve de très beaux arbres et quelques bancs d’un confort exceptionnel. Et puis aussi, on peut, quand on est grand, y jouer facilement à cache-cache avec l’artère commerçante toute proche, y retourner puis s’en éloigner, lui faire coucou pour goûter à répétition cette transition entre le plein commerçant et le vide résidentiel. Dans le cas de figure du square Koenji-Nord, cette articulation entre vide et plein est particulièrement jouissive, et les bancs très confortables, mais c’est une redite.